Une PME sur cinq en Suisse s'apprête à vivre un changement de génération. D'ici 2021, entre 70'000 et 80'000 petites et moyennes entreprises seront amenées à entreprendre un processus de
succession. Pourtant, seul un faible pourcentage d’entre elles ont engagé un véritable processus de transmission, qu’ils soient internes ou externes. Si des contraintes tant fiscales,
législatives, boursières ou d’opportunités commerciales expliquent pour une bonne partie ce résultat, ce n’en n’est pas l’unique raison. La passation est un processus long, complexe, émotionnelle dont n’est visible que la partie immergée : pour les cédants, qui
peinent à s’engager pro-activement et reculent l’échéance le plus loin possible. Pour les générations futures qui héritent de lourdes
responsabilités et doivent tracer un futur, entre tradition et modernité. Pour les repreneurs institutionnels qui peuvent sous-estimer le facteur humain au
profit d’une évaluation purement financière.
La transmission soulève en réalité un magma d’émotions
Un processus de deuil pour le fondateur
Un des premiers écueils possibles peut provenir du fondateur lui-même car la retraite s’accompagne de deux sentiments
ambivalents entre désir et refus. Désir de passer le relais pour partir en retraite et refus d’abandonner le fruit du travail de toute une vie. Une
ambiguïté qui tient à la notion de disparition, en tant que dirigeant d’un certain statut. Ce n’est pas uniquement l’entreprise que l’on cède, c’est aussi sa
place à la génération suivante, en se dessaisissant de son pouvoir et de "son bébé" pour le transmettre. Le plus difficile étant que c’est bien souvent au
cédant lui-même d’être l’initiateur de son départ.
Une pression colossale pour les héritiers
Il faut passer du statut d’enfant-héritiers à celui de dirigeants. Pas toujours facile lorsque le père fondateur tient ferme les commandes et tend à
écarter les suggestions trop en rupture avec la tradition. Comme le souligne Anne Juvanteny dans son livre, Travailler en famille avec plaisir :« Si certains enfants
d’entrepreneurs sont prêts à endurer des relations conflictuelles avec leurs parents c’est qu’il est aussi question d’amour. Toutefois dans certains cas, la place ne
leur est pas donné, il leur faut la prendre. Ils le font avec toute la crainte qui accompagne la décision de succéder. Ne pas être à la hauteur,
décevoir, entrainer la faillite de la famille». En réalité, pris dans l’étau de la loyauté, peu d’entre eux remettent en question, leur désir véritable d’accepter ou pas cette
succession. Ils se jettent corps et âme dans les innombrables challenges qui les attendent : affirmer leur leadership, rassurer les salariés, convaincre les investisseurs et développer de
solides compétences stratégiques et managériales pour conduire l’entreprise.
"En réalité, pris dans l’étau de la loyauté, peu de Next Gen questionnent
leur désir véritable d’accepter ou pas cette succession"
La perte de stabilité et de repères pour les salariés
Katia Rihomme-Huet dans « Entreprises familiales et phénomène successoral » nous rappelle : « La complexité de la
succession tient pour beaucoup au dosage permanent entre l’existant à préserver et le nouveau à intégrer, entre ce que l’on peut
conserver et ce qu’il est nécessaire de changer. Un nouveau dirigeant entre physiquement dans les murs d’une entreprise qu’il peut ne pas connaître et a affaire à des salariés
habitués à la façon de travailler du cédant ».
Des collaborateurs déstabilisés, ignorés ou méprisés lors d’un changement de direction pourront saborder la reprise de façon frontale ou
insidieuse. Cette résistance s’exprimera soit par la fuite des talents, essentiels au coeur de métier de l’entreprise ou pire encore, par l’ancrage de « poids
morts » qui agiront comme des forces de résistance à tout changement. La substitution d’un dirigeant à un autre n’est donc pas
un événement neutre : il peut même devenir traumatisant lorsque celui-ci est issu d’un milieu étranger. Comme en témoigne un salarié de l’entreprise ASTRE Energy, en
Allemagne, rachetée par des investisseurs chinois. La nouvelle direction n’est pas enclin à la discussion avec les partenaires sociaux de l’entreprise et va jusqu’à fouler les
règles culturelles et conventions solidement établies jusqu’à alors. «Cela nous rend amères et nous donne de moins en moins envie de travailler. La situation est grave et les gens
manifestent leur mécontentement en partant ». Les réunions de crise se succèdent au comité d’entreprise et la société florissante de jadis a laissé place à une
entreprise sans âme.
La transmission génère un flot d’émotions plus au moins paralysantes qui, si elles ne sont pas comprises, verbalisés et entendues
seront autant de freins à l’action.
Poser à plat, libérer la parole et co-construire : des coachs
professionnels externes pour accompagner cette phase de transition
La transmission de l’entreprise est une étape-clé qui nécessite un accompagnement technique et humain dans les domaines
juridiques, fiscaux, financiers et…affectifs. Sur ce dernier volet, le coaching se présente comme un outil puissant et efficace. Il offre l’avantage d’une
posture neutre et bienveillante dont le seul but est de faire émerger chez le coaché , le fruit de sa propre réflexion face à la situation
posée.
Stephen Skelly, responsable de la planification financière auprès de HSBC Private Bank témoigne dans une interview au Temps, sur la nécessité de travailler
sur le futur : « La vision doit être partagée entre les membres de la famille si l’on veut parler de continuité ». En effet, la création d’un conseil de
famille, par exemple, permettant à chacun de ses membres de s’exprimer et de décider, est un puissant vecteur de clarification, d’apaisement et de
cohésion. Ce n’est qu’ensuite, que la succession peut passer à une mise en œuvre opérationnelle.
Dans le cadre d’un accompagnement par un coach, les objectifs et moyens sont nombreux et en voici quelques
exemples :
- Accompagner le cédant pour anticiper la succession et participer à l’identification de son successeur, puis assurer le transfert de ses
compétences
- Organiser avec lui son désengagement progressif jusqu’à sa sortie ;
- Poser un cadre pour favoriser les échanges et la concertation ; débattre sur les compétences et les qualités nécessaires pour diriger l’entreprise demain ;
- Aborder tous les aspects de la transmission y compris les questions fiscales et patrimoniales qui se posent et encourager la transparence sur problèmes liés au
potentiel déséquilibre du partage du patrimoine;
- Impliquer la famille et les salariés dans les réflexions et les décisions ;
- Préparer le successeur à prendre en compte les dynamiques culturelles et le faire participer aux réunions avec les parties prenantes, afin de co-construire avec les équipes
en place ;
Planifier et déployer un accompagnement individuel du cédant et du repreneur ainsi que celui de l’équipe et de la famille, permet de jouer un rôle de facilitateur et "de
liant" pour mieux soulever les difficultés relationnelles qui, si elles ne sont pas conscientisées et verbalisées, entravent la pérennité de l’entreprise.
Et vous, que vous soyez vous-mêmes fondateur, enfant succédant, salarié(e) d’une entreprise familiale, actionnaire ou futur repreneurs, quelle ou a été votre expérience sur ce sujet ?
Écrire commentaire