Les bonnes pratiques de parentalité appliquées au management

Bonnes pratiques de parentalité appliquées au management

« Gérer une entreprise en bon père de famille », « avoir un esprit de fraternité », « faire grandir ses équipes », le vocabulaire de l’entreprise révèle bien des similitudes avec celui de la famille. Par ailleurs, au sein d’une équipe se tisse tout un réseau relationnel qui n’est pas, curieusement, sans rappeler celui des enfants d’une même fratrie.

 

Alors regardons en quoi les bonnes pratiques de parentalité appliquées au management peuvent aider à améliorer la performance individuelle et collective au travail.

 

La hiérarchie familiale apparentée à celle de l’entreprise

 

Pour comprendre en quoi la hiérarchie familiale s’apparente à celle de l’entreprise, arrêtons-nous un moment sur son emblème incarné par l’autorité d’un N+1. Autour de lui, gravitent des collaborateurs qui peuvent s’apparenter symboliquement à une fratrie composée de frères, de sœurs et, pourquoi pas, de cousins. Si nous poussons l’analogie encore plus loin, le ou la CEO pourrait représenter les grands-parents, et le directeur/la directrice du département finance ou logistique auquel on n’appartient pas, pourrait tout aussi bien représenter un oncle ou une tante.

 

Dans ce contexte, il est intéressant d’observer l’interaction entre les différents acteurs et en particulier celle entre le manager et son équipe. Les collaborateurs se disputent les faveurs de leur boss, tout comme les enfants veulent attirer l’attention de leurs parents. Dans les deux cas, les enjeux sont les mêmes : il s'agit d’être à la hauteur, de ne pas décevoir, de montrer ce que l’on sait faire et d’obtenir l’approbation et la reconnaissance de son supérieur.

 

La gestion des conflits relationnels

 

Les managers arbitrent des conflits relationnels dans leurs équipes, tout comme les parents interviennent pour faire cesser les querelles entre leurs enfants. En effet, la course à la reconnaissance se fait dans un environnement concurrentiel où l’on se compare les uns aux autres. Car il s’agit bien là d’être visible, d’arriver à obtenir l’avantage et surtout la préférence du « chef ». Pour y parvenir, des comportements agressifs peuvent se manifester, tout comme dans une cour d’école : harcèlement, alliances, mensonges, trahisons, manipulations…

 

Par ailleurs, à l’instar des parents qui souhaitent que leurs enfants soient plus responsables sans pour autant leur accorder l'autonomie nécessaire pour qu'ils y parviennent, les managers n’arrivent pas facilement à déléguer ou à laisser leurs collaborateurs prendre des d'initiatives. Souvent piégés dans la croyance que les « petits » ne sauront pas faire seuls ou pas assez bien, ils préfèrent bien souvent les garder, plus ou moins consciemment, sous tutelle.

 

Considérer les relations professionnelles sous cet angle apporte un nouvel éclairage grâce auquel il est plus facile de comprendre l’émergence de conflits dans l'entreprise et nous permet ainsi d’explorer de nouvelles pistes vers une meilleure performance individuelle et collective.

 

La nouvelle parentalité au service de l'estime de soi

 

Durant ces dernières années, la nouvelle parentalité a vu naître un grand nombre de pratiques concernant la relation adultes-enfants dont certaines se révèlent être très concluantes pour le développement de l’estime de soi.

 

Motivés par le noble désir de fournir à leurs enfants un cadre épanouissant, les parents des années 2000 se sont remis en question et ont cherché une troisième voie entre le « tout autoritaire » des années 1960 et le « tout laxiste » des années 1970.

 

Depuis, les pistes de réflexion ont encore évolué et l'attention se porte davantage sur les croyances des adultes et sur la façon dont ils interagissent avec leurs enfants. Les phrases telles que « Tu es trop petit... tu ne peux pas y arriver seul... tu es un rêveur... fais plutôt ce que je te dis » influent sur la confiance qu’ont les enfants en leurs capacités et sur le développement de leur potentiel. Elles conditionnent même leur système de communication avec autrui tout comme la personne qu’ils deviendront en société, notamment dans le cadre de leur travail. En effet, certaines postures mal vécues peuvent induire plus tard des difficultés relationnelles.

 

« Si l’on n’a pas cru que j’étais capable, alors je ne pense pas les autres le soient non plus »

 

« Si je ne me suis pas senti respecté en tant que personne, alors je ne suis pas en mesure de respecter les autres »

 

« Si on m’a demandé de faire les choses en me donnant constamment des ordres, alors je ne sais pas ce que c'est de donner le choix aux autres »

 

Il est donc aujourd’hui essentiel de développer l’estime de soi de l’enfant (du collaborateur) en utilisant une communication positive et bienveillante.

 

La communication manager-managé

 

Cette nouvelle approche a tout à fait sa place dans le monde de l’entreprise et dans la façon de considérer la communication manager-managé. Il ne s’agit en aucun cas de traiter le sujet sous un angle psychologique en faisant entrer la thérapie sur le lieu de travail. Il ne s’agit par non plus de discuter de la place du manager, pas plus que de celle des parents qui restent garants du cadre avec ses règles, ses contraintes et ses objectifs.

 

Le but poursuivi est beaucoup plus simple : aider les managers à faire évoluer leur regard sur leurs équipes et les encourager à communiquer selon des modèles de relations bienveillantes qui performent aujourd’hui dans le monde de l’éducation et, plus largement, dans la sphère des relations humaines. C'est à partir de cette posture que l'on peut développer les collaborateurs au sens réel du terme, et obtenir d'eux une attitude responsable et motivée.

 

L’évolution des systèmes relationnels

 

Guy Ausloos, dans son ouvrage intitulé « La compétence des familles », décrit le travail de l’accompagnant comme celui d’apporter une information dans le système relationnel.

 

« Poser des bonnes questions, c’est aller chercher ce qu’ils savent, mais qu’ils ne savent pas qu’ils savent, et qui va les informer sur ce qu’ils font, sur ce qu’ils vivent, sur la façon dont ils fonctionnent »

 

Apporter cette information - donc ce changement de regard - rend possible l’évolution des systèmes relationnels. C’est pour ma part l’expérience que j’en fais en tant que formatrice et coach auprès des équipes en entreprise, des professionnels pédagogiques et des parents que j’accompagne.

 

Dans son livre « Entre Parent et Enfant », le psychologue de renom Haim Guinott s'est longuement penché sur l'interaction parents/enfants. Parmi les idées clés qu'il développe, certaines trouvent un champ d'application intéressant dans la relation manager-managé.

 

« Etre à l’écoute des sentiments d’un enfant lui permet de se sentir accueilli et respecté »

 

L’écoute offre un espace pour qu’il se libère. Une écoute active, non jugeante, qui n’a pas pour finalité de réprimer ou d’apporter des conseils, permet à l’enfant d’évacuer son trop plein d’émotions qui, une fois dépassé, lui permet de retrouver ses fonctions cognitives et de trouver lui-même une réponse ou une action qui le satisfait. Cette approche est facilement transférable à un manager en prise avec les émotions des membres de son équipe, notamment pour ce qui est du sentiment de frustration.

 

Ecouter, la clé d’un management réussi

 

Apprendre à écouter est la clé. Tout comme pour les enfants, bon nombre de plaintes émises par les collaborateurs n’appellent pas nécessairement à être satisfaites ou réparées mais, tout au plus, à une écoute sincère et empathique.

 

« L’autonomie permet à l’enfant de se sentir capable et d’apprendre de sa propre expérience »

 

Soutenir la croissance d’un enfant, c’est croire en lui, être indulgent, patient et savoir se mettre en retrait pour le laisser grandir sans lui faire de l’ombre. La présence de l’adulte consiste à poser fermement le cadre (ce qui peut être expérimenté et ce qui ne le peut pas) et à accompagner l’enfant dans ce processus d’apprentissage en apportant des observations factuelles qui décrivent plutôt qu’elles n’évaluent.

 

Il en ira de même pour le manager qui, en appliquant les bonnes pratiques de parentalité au management, disposera d’un levier motivationnel puissant. Apprendre à laisser à ses collaborateurs une part d’expression et de créativité, c’est les laisser s’épanouir et se développer. Le feed-back sur un projet ou une idée sera de loin beaucoup plus efficace s’il est factuel et bienveillant, c’est-à-dire s’il souligne davantage les points positifs, met en valeur l’effort fourni et encourage l’auto-évaluation. Les enfants, tout comme les collaborateurs, sont parfaitement capables de se dire à eux-mêmes ce qui doit être fait. Il sera plus valorisant pour eux de les laisser arriver à leur propre conclusion.

 

En conclusion

 

Loin de résoudre tous les problèmes relationnels existants, appliquer les bonnes pratiques de parentalité au management n’est pas une approche naïve au point d'occulter l'univers compétitif des entreprises. La course à la promotion, les agendas individuels et les cadences accrues laissent peu de place aux comportements altruistes. Toutefois, les leaders et les organisations éclairés l'ont déjà bien compris : il est nécessaire de favoriser au maximum un système relationnel bénéfique dans lequel chacun est à sa place, entendu et respecté, et permet de s’épanouir et de s’enrichir les uns les autres.

 

Certes, cela demande une prise de conscience en profondeur, individuelle et collective. Ce recadrage dans la façon de voir et de communiquer est possible en participant à des formations au cours desquelles des mises en situation professionnelles très concrètes permettent d'expérimenter la place de l’autre.

 

Et vous, quelle est votre expérience sur ce sujet ?

 

Céline Chatti

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